L'amour et la volonté sont l'âme même
de toute action et de toute oeuvre.

Ainsi dans les actions ou les oeuvres est l'homme tout entier.

Le sage ne considère pas tant les actes,
que la qualité de l'intentionnalité qui est en eux.

 
 
 

La voie

   Quelques-uns croient qu'il est difficile de mener la vie qui conduit au ciel, vie qui est appelée spirituelle, et cela, parce qu'ils ont entendu dire que l'homme doit renoncer au monde, et se priver de ce que l'on appelle les plaisirs du corps et des sens, et qu'ils doivent vivre, "homme spirituel". Ils n'entendent cette expression qu'en ce sens qu'ils doivent rejeter toutes les choses du monde, que sont principalement les richesses et la situation sociale, pour marcher continuellement dans une pieuse méditation sur Dieu et la vie éternelle, et ainsi passer leur vie dans les prières, la lecture de la Bible et de livres religieux.
    
    Ils croient que c'est ce en quoi consiste le renoncement au monde et la vie dans l'esprit et non dans la chair, mais mon ami il en est tout autrement ! Ceux qui renoncent au monde et qui vivent en esprit de cette façon se préparent une vie bien triste, qui n'est pas susceptible de recevoir la joie céleste. Pour que l'homme reçoive la vie du ciel, il faut qu'il vive tout à fait dans le monde, et de là dans des emplois et des affaires, et qu'alors, par sa vie morale et civile, il reçoive la vie spirituelle.

   La vie spirituelle ne peut être autrement formée chez l'homme, ou l'esprit de l'homme être autrement préparé pour le ciel, car vivre d'une vie interne et non en même temps d'une vie externe, c'est comme habiter une maison sans fondation.

(CE 528)

    Personne n'est régénéré par les miracles et par les signes, ni par les visions et les conversations avec les défunts, ni par les menaces et par les châtiments, ni dans les états de non-rationalité et de non liberté.

(DP 130 - 144)

    Lorsque les gens sont dans les épreuves ils tendent leurs mains pour prier de toutes leurs forces avec passion et dévotion, sans réaliser que leurs prières n'y font rien, car ils doivent plutôt combattre les maux et les faux qui les accaparent.

  (AC 8179)

    Le renoncement au monde, sans la vie dans le monde, ne fait pas la vie spirituelle, il n'a de valeur qu'autant qu'on vit dans le monde.

(DC 123, 128)

    Il faut qu'on sache que dans les actions ou les oeuvres est l'homme tout entier, que sa volonté et sa pensée qui sont les intérieurs de l'homme, ne sont point complétés avant d'être dans les actions ou les oeuvres, qui sont les extérieurs de l'homme. Penser et vouloir sans agir, quand on le peut, c'est être comme une semence jetée dans du sable, qui ne peut germer et qui meurt. Par contre, penser et vouloir et par suite agir, c'est être comme une semence jetée dans une bonne terre, qui croît en arbre et en fleur. L'amour ou la volonté est l'âme même de toute action ou de toute oeuvre.

(CE 475 ; AC 9293)

    Mille hommes peuvent agir pareillement, c'est-à-dire accomplir une action semblable, et tellement semblable que, quant à la forme externe, il soit à peine possible d'y trouver une différence, lorsque cependant l'action de chacun considérée en elle-même est différente du fait qu'elle procède d'une volonté différente. En effet les actions et les oeuvres sont absolument telles que sont la pensée et la volonté dont elles procèdent, et sans lesquelles elles ne seraient ni des actions ni des oeuvres, mais seulement des mouvements inanimés et mécaniques comme ceux des automates.

    Par les actions et les oeuvres sont entendues non seulement les actions et les oeuvres telles qu'elles se présentent dans la forme externe, mais aussi telles qu'elles sont dans la forme interne. L'action ou l'oeuvre considérée en elle-même, est seulement un effet qui tire son âme et sa vie de la volonté et de la pensée, au point que c'est la volonté et la pensée dans l'effet et par conséquent dans la forme externe.

 (CE 472)

    Nos actions et nos gestes, considérés en dehors de l'intention, ne sont que des mouvements variés et coordonnés, comme ceux d'une machine, et de ce fait sans âme. Mais les actions considérées avec l'intention, sont la forme de l'intention qui se présente à nos regards. Cela du fait que les actions ne sont rien d'autre qu'une expression de ce qui se passe dans la volonté. Elles ont leur âme et prennent vie dans l'intentionnel. Les personnes intelligentes ne prêtent pas attention aux actes, mais seulement à l'intention, de laquelle, à travers laquelle, et pour laquelle, ces actes existent. En effet le sage ne considère pas tant les actes, que la qualité et l'intentionnalité qui sont en eux.

 (AC 9293)

   Le dernier de chaque série, qui est l'usage, l'action, l'oeuvre et l'exercice, est le complexe et le contenant de tous les antérieurs.

 (DA 215)

   Comment l'homme peut-il savoir si les usages (les actions, les oeuvres) qu'il accomplit sont spirituels ou purement naturels ? Il y a faire les usages avec sincérité, intégrité et fidélité dans l'oeuvre qui appartient au métier que l'on exerce, ou au contraire faire les usages pour les usages, en ayant en vue que soi-même. Dans le premier cas les usages sont spirituels, dans le second ils sont simplement naturels.

(DA 426, 431)

    Voir d'après les effets seuls, c'est être dans les illusions, quand l'homme pense d'après la sagesse, il voit les choses comme dans la lumière.

(DA 187, 95)

    Pour nous préparer à recevoir le Divin et à devenir un avec lui, nous devons mener notre vie en harmonie avec l'ordre Divin. Nous pouvons devenir un avec le Divin seulement par l'amour et par des oeuvres pleines d'amour, puisque l'amour est l'essentiel de l'union spirituelle.

 (VRC 110 ; AC 2349)

 
 

    On voit que la conception que Swedenborg a de la vie et de la voie spirituelles est aux antipodes de la vision qu'en donnaient les Eglises de son temps, pour lesquelles vie spirituelle était nécessairement synonyme d'un austère renoncement au monde, à ses joies et à ses plaisirs. Préjugé du reste encore très répandu de nos jours.

    Swedenborg serait certainement d'accord avec Sri Aurobindo qui disait à ses disciples : « Vous voulez entrer dans la voie ? eh bien mettez-vous à l'université de la vie ! » Ou avec Karlfried graf Durckheim qui disait : « Vous cherchez un gourou ? mariez-vous, ayez des enfants, travaillez pour gagner votre vie, il n'y a pas de meilleur gourou que celui-ci. Pour briser le "petit moi", il n'en est pas de plus puissant. »

    Evidemment les réparties de ces deux grands maîtres de méditation sont empreintes d'un certain humour, il faut les replacer dans leur contexte. Elles soulignent en tous les cas, et non sans ironie, l'importance d'allier introspection, prière et méditation, avec action dans le monde. Elles cherchent également à démystifier ce préjugé commun qui veut que spiritualité rime nécessairement avec renoncement au monde et vie austère, si ce n'est voie mortifère.

    Swedenborg affirme au contraire que sans les oeuvres l'homme n'est rien, sinon que comme l'arbre infructueux que l'on coupe pour le jeter feu. Ce qui ne veut pas dire que les oeuvres ne valent que pour ce qu'elles sont, non, elles ne valent qu'en vertu seulement de ce qui les habite, de l'intention qui les anime, ce qui est très différent. Comme il le démontre si bien dans les dernières citations, le domaine des apparences extérieures peut s'avérer trompeur, seul l'esprit est juge. Quoique nous fassions, balayer les trottoirs ou gouverner le monde, à travers chacune de nos actions nous distillons en nous la matière la plus précieuse de tout l'univers, la conscience ! Et nous allons voir à quel magnifique avenir celle-ci sera bientôt promise.

 

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