"La dictée divine"
 
   
8. Le jardin du prophète

(1750 - 1764 / de 62 ans à 76 ans)
 
 


    Deux ans après la publication du dernier volume de ses « Arcanes Célestes », il repart pour un voyage d'une année en Angleterre afin de publier, les uns à la suite des autres, cinq nouveaux traités, tous édifiés sur la base d'extraits et de reprises extraites dans les « Arcanes » et son « Journal Spirituel ».

    « Des Terres dans notre système solaire qui sont appelées planètes, et des Terres dans le ciel sidéral et leurs habitants, ainsi que les esprits et les anges qui sont là, d'après ce qui a été vu et entendu », Londres 1758.

    Notre Terre n'est pas la seule planète habitée, il y a d'innombrables Terres où règne la vie dans l'univers et notre auteur affirme qu'il a rencontré dans le monde spirituel les habitants de plusieurs planètes de notre système solaire.

    Vient ensuite un de ses ouvrages le plus important et le plus central de son oeuvre :

    « Du Ciel et de ses merveilles et de l’Enfer, d’après ce qui a été vu et entendu », Londres 1758.

 
   

 
 
Couverture de l'édition originale de "Ciel et de l'Enfer".
 
Première page de texte.
 
 

    « Les Arcanes qui sont révélés dans ce qui va suivre, dit-il, concernent le Ciel et l’Enfer, en même temps que la vie de l’homme après la mort. L'homme de l'Eglise aujourd'hui possède à peine quelque notion sur le Ciel et sur l'Enfer et sur la vie après la mort, quoique toutes ces choses soient décrites dans la Parole et même un grand nombre de ceux qui sont nés au-dedans de l'Eglise les nient, en disant dans leur coeur : Qui en est revenu et en a fait le récit ? Afin donc qu'une telle obscurité, qui règne principalement parmi ceux qui tirent surtout leur sagesse du monde, n'infecte et ne corrompe aussi les simples de coeur et les simples de foi, il m'a été donné d'être avec les Anges et de m'entretenir avec eux, comme un homme avec un autre homme, et aussi de voir les choses qui sont dans les Cieux et celles qui sont dans les Enfers, par suite maintenant de les décrire d'après ce que j'ai vu et entendu, espérant ainsi que l'ignorance sera éclairée et l'incrédulité dissipée. Si aujourd'hui une telle révélation immédiate existe, c'est parce que c'est elle qui est entendue par l'Avènement du Seigneur ».

(Ciel et Enfer. Chap.1)

   « Quand le corps ne peut plus remplir, dans le monde naturel, les fonctions correspondantes aux pensées et aux affections de son esprit, alors on dit que l'homme meurt, c'est ce qui arrive lorsque cessent la respiration et les battements du coeur. Toujours est-il que l'homme ne meurt pas, il est seulement séparé du corporel, car l'homme même vit : parce que l'homme est homme, non d'après le corps, mais d'après l'esprit qui pense et qui éprouve des sentiments. D'après cela, il est évident que l'homme, quand il meurt, passe seulement d'un monde dans un autre ».

(Ciel et Enfer. Chap. 445)

    Réalisé sur la base de ses « Arcanes », cet ouvrage est une parfaite synthèse dédiée ici à la connaissance du monde spirituel. Swedenborg y développe l'ensemble de sa vision avec un souci de simplicité et de clarté maximal. Il destine cet ouvrage au grand public sachant que celui-ci ne manquerait pas d'en piquer la curiosité. Il ne lésinera pas sur les moyens pour le faire imprimer en grand nombre afin de le distribuer partout où il le pourra. Ce livre deviendra par la suite son indéniable "best-seller", traduit plus d'une vingtaine de fois dans de nombreuses langues du monde entier, il sera le livre le plus publié de son oeuvre, celui qui contribuera le plus à le faire connaître en Europe, aux Etats-Unis et dans le reste du monde.

   Cette publication marque un tournant décisif dans le développement de son oeuvre théologique. Il est convaincu, avec raison, qu'il va faire l'effet d'un véritable coup de tonnerre dans la nouvelle Europe de la noblesse, du clergé et des savants de son temps. Il y déclare sa mission de révélateur et y développe pour la première fois toute l'ampleur et la profondeur de sa vision et de ses enseignements. Cette publication aura alors l'effet inverse de celui initialement escompté, suscitant bien souvent méfiance, attaques et incompréhension plutôt qu'enthousiasme et reconnaissance.

    Il est vrai, que les assertions avancées par Swedenborg sont énormes : révélation immédiate symboliquement entendue par le second avènement du Seigneur, communication avec les anges, visions des cieux et des enfers, etc. Il n'y va pas de main morte : « quoique toutes ces choses soient décrites dans la Parole et qu'un grand nombre de ceux qui sont nés dans l'Eglise les nient, et afin donc qu'une telle obscurité, qui règne principalement parmi ceux qui tirent surtout leur sagesse du monde, n'infecte et ne corrompe aussi les simples de coeur et les simples de foi, il m'a été donné ... ».

    Son "Ciel et Enfer" devra son succès, et Swedenborg l'a bien compris, au fait qu'il y traite de la question de la vie après la mort. Les Eglises chrétiennes de ce 18ème siècle restaient très vagues sur la question. La croyance voulait que les morts dorment dans leurs tombes jusqu'au coup de trompette final qui les appellerait à ressusciter dans leur corps !

    Il est d'ailleurs frappant de constater à quel point sa vision était diamétralement opposée à presque toutes les idées qui prévalaient alors dans les Eglises de son temps.

    Les anges sont des êtres célestes créés comme tels depuis le commencement, disaient les Eglises. Pas du tout, répondait Swedenborg, chaque habitant du ciel comme des enfers a d'abord commencé par être homme sur la Terre.

    L'homme ressuscite avec son corps physique, disaient les Eglises. Le corps, disait-il, se décompose dans la terre et ne pourra plus jamais être reformé. C'est l'âme et son corps immatériel qui ressuscitent, et cela a lieu immédiatement après la mort.

    Les joies célestes qui attendent les âmes sauvées consistent à chanter constamment des cantiques et à être dans un état de perpétuelle adoration. Non, disait-il, chacun a ses propres occupations. Les anges et les esprits boivent, mangent, travaillent et se distraient, ils habitent des maisons et se réunissent pour socialiser. Ils sont organisés en sociétés en fonction de leurs affinités, de leur fonction et de leur génie.

    Le fait que les âmes des méchants soient damnées aux enfers pour y être tourmentées dans un feu éternel, était une croyance établie à cette époque. Personne n'est jamais damné à aucun feu éternel, disait-il, car Dieu qui est l'amour même, ne juge ni ne punit jamais personne, ce sont les hommes eux-mêmes qui se damnent en choisissant de rester dans le feu de leurs passions destructrices.

    Les païens et les enfants non baptisés ou décédés avant d'avoir reçu le baptème sont des âmes perdues qui ne pourront jamais aller au Ciel, disaient les officiants de ces Eglises. Pas du tout, disait-il, les païens, qui sont d'une nature généralement meilleure que celle des chrétiens, ont plus facilement accès au Ciel. Quant aux enfants morts avant le baptême, ils sont immédiatement accueillis après leur mort par des anges qui ont la charge de les éduquer jusqu'à ce qu'ils gagnent leur maturité spirituelle.

    Le Ciel et l'Enfer au lieu d'être des mondes abstraits et lointains sont au contraire constamment présents en nous et autour nous. En effet, bien que de façon généralement inconsciente, nous sommes, par les sentiments et les pensées qui nous animent en constante communication avec eux. A travers eux nous sommes associés et conjoints, par voie d'affinité, avec un grand nombre d'esprits, d'anges et de démons. Le monde spirituel n'est pas habité par des fantômes, disait-il, mais par des hommes et des femmes qui ont vécu comme nous sur la Terre. La mort n'est qu'un passage d'un niveau de conscience et d'existence à un autre, et nous sommes amenés à continuer notre évolution à l'infini.

    Ce ne sont là que quelques exemples parmi beaucoup d'autres, car il y développe également de nombreux enseignements sur la nature de l'homme, des esprits, des anges et des démons, sur la structure et la nature du monde spirituel, sur les lois qui le régissent, sur la nature du Divin et le sens de la destinée humaine.

    Il est certain que ces idées concernant la vie après la mort ne sont pas absolument nouvelles. Elles ont été, à des époques et sous des formes diverses, régulièrement assumées. Pour ne citer que deux des sources les plus immédiatement à sa portée : Platon et Plotin pour ce qui est des philosophes anciens, l'apôtre Paul dans son Epître aux Corinthiens pour ce qui est du christianisme. Ces traditions assument toutes deux l'existence d'une vie immédiate après la mort, dans un corps-esprit immatériel mais non informel. Ajoutons à cela le chamanisme arctique auquel il s'était fortement intéressé juste avant les trois années de sa crise intérieure.

    Il est par contre évident qu'aucun auteur n'aura jamais été si loin dans la connaissance et la description de cette réalité supra-sensible, et c'est certainement aussi une des raisons qui explique l'influence considérable que ses enseignements auront sur la pensée, la philosophie, l'art et la culture, d'abord romantiques puis modernes. Une influence souvent occulte et souterraine, liée au fait que beaucoup d'auteurs et de créateurs se garderont de mentionner son influence afin de se départir de sa réputation d'illuminé.

   Dans la foulée de cet ouvrage magnifique, il publie encore trois petits traités :

    « Du Jugement Dernier et de la Babylone détruite ; ainsi que tout ce qui a été prédit dans l'Apocalypse, et qui est aujourd'hui accompli. D'après ce qui a été vu et entendu », Londres, 1758. Il y décrit le jugement dernier, annoncé dans l'Apocalypse, qui viendrait juste d'avoir lieu dans le monde spirituel et dont il serait le témoin privilégié.

    « De la Nouvelle Jérusalem et de sa doctrine céleste, d'après ce qui a été entendu du Ciel. Qui préfigure le nouveau Ciel et la nouvelle Terre », Londres 1758. C'est le premier ouvrage où il est fait mention d'une "Nouvelle Eglise", symbolisée par "le nouveau Ciel et la nouvelle Terre" du chapitre 21 de l'Apocalypse. Il s'agit d'une synthèse des enseignements ou "doctrines" essentielles présentes dans les « Arcanes ».

    « Du cheval blanc mentionné dans l'Apocalypse au chapitre XIX. Et de la Parole et de son sens spirituel ou interne, extrait des Arcanes Célestes », Londres, 1758. Le retour du Christ sur un cheval blanc dans l'Apocalypse, représente de façon symbolique, le dévoilement du sens interne de sa Parole.

    Il envoie ces cinq traités à tous les membres dirigeants du clergé de Grande-Bretagne. Swedenborg n'a plus peur de rien, peut-être estime-t-il n'avoir au fond rien à perdre sinon qu'à gagner, en s'offrant en martyr à son Maître et Seigneur. A moins qu'il ne se soit imaginé, dans l'enthousiasme de ses premières années de révélation, convertir les Eglises à sa nouvelle théologie, afin de changer le destin du monde ? Swedenborg, qui connaissait le monde mieux que quiconque, savait parfaitement ce qu'il faisait et était très conscient des risques qu'il prenait. Il a fait le calcul de la prise de risques en regard de la nouvelle connaissance dont il se sentait investi, des vérités dont il était convaincu et de l'importance de leur promotion dans le monde. Plus que folie et irréalisme, son acte implique certainement une belle part d'altruisme et de courage. Il apprendra malgré tout à se modérer et devenir par la suite plus discret, mais certainement trop tard, car le feu sera déjà mis à la poudre.

    Au fil de ces années, de nombreux témoignages, historiquement avérés et prouvés, viendront attester de l'extraordinaire don de clairvoyance de Swedenborg. De tous ceux qui contribuèrent le plus à le faire connaître, aucun certainement n’eut autant de retentissement que celui de l’incendie de Stockholm.

    L'événement eut lieu lors de son retour de Londres, où il venait juste d'achever la publication de ses cinq derniers ouvrages.

    Nous sommes le samedi 19 juillet 1759, Swedenborg, alors âgé de 68 ans, revient d’Angleterre et débarque dans l’après-midi à Göteborg, une ville qui jouera par la suite un rôle important.

   Il est invité avec une quinzaine de convives à une soirée chez un ami, William Castel, un important négociant dans cette ville. Le soir vers dix-huit heures, Swedenborg quitte tout à coup la compagnie pour revenir quelques instants plus tard pâle et consterné. Questionné, il annonce qu'un violent incendie vient de se déclarer dans les quartiers sud de Stokholm et qu'il est en train de se répandre très rapidement. Très inquiet, il ressort s'isoler plusieurs fois dans le jardin, rapportant que la maison d'un de ses amis qu’il nomme, vient d'être réduite en cendres et que sa propre demeure est en grand péril. A vingt heures, après être sorti de nouveau, il revient tout à fait soulagé, s’exclamant avec joie que l’incendie vient d'être éteint à trois portes de chez lui !

    Plusieurs convives résidents à Stokholm en furent très alarmés, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre créant une telle agitation que le gouverneur en fut informé. Le lendemain matin dimanche, Swedenborg est immédiatement convoqué par celui-ci afin d'être interrogé. Il lui décrivit exactement l’incendie, comment il avait commencé, le temps qu’il avait duré, la façon dont il avait progressé et la manière dont il avait été éteint. Son récit, scrupuleusement consigné, se répandit le jour même dans toute la ville, causant beaucoup d'émoi et d'inquiétude parmi les nombreux habitants qui avaient de la famille, des amis ou des biens à Stockholm.

   Le lendemain soir une dépêche, envoyée par le ministère du commerce arrive à Göteborg, annoncant qu'un violent incendie faisait rage à Stockholm. La cause de l'incendie correspond exactement aux indications données par Swedenborg. Le lendemain, c'est un courrier royal se présente chez le gouverneur avec un rapport détaillé de son étendue, des pertes et des dégâts causés. A la stupeur générale, ce second rapport corrobore point par point, au détail et à l’heure près, toutes les informations données trois jours auparavant par Swedenborg.

   L’événement frappera tellement le célèbre philosophe, Emmanuel Kant, qu’il fera mener, par l'un de ses proches amis, une enquête rigoureuse sur les lieux, à Göteborg ainsi qu'à Stockholm, auprès de tous les témoins directs de l’événement. Celui-ci conclut dans son rapport d'enquête : « Que pourra-t-on objecter contre la crédibilité de ces faits ! ».

    Lorsque peu après, la nouvelle de la vision de Swedenborg arrive dans la capitale, c'est la stupeur générale. La surprise est d'autant plus grande qu'il n'est connu dans son pays que comme un scientifique de renom et un haut responsable du Bureau des Mines. Tout le monde ne parle plus que de cet incroyable miracle.

    Mais ce n'est qu'au printemps suivant, que la rumeur de son don de communiquer avec l'esprit des défunts se répand soudainement dans toute la capitale, jusqu'à son plus proche voisinage et dans tout le pays. En dehors de quelques intimes, personne ne pouvait alors se douter qu'il menait depuis plus de dix ans, une double vie : celle d'un noble et respectable savant retraité, membre de la cour de Suède et celle d'un auteur illuminé, connu en Hollande et en Angleterre, mais aussi en France et en Allemagne.

    Toutes ces histoires et ces rumeurs ne manqueront pas d'alerter l’épiscopat de Suède, qui amorcera ses premières attaques à son égard. Voici une petite anecdote racontée sous la plume d'un de ses amis, qui en dit long sur l'état d'esprit de Swedenborg :

« Le vieux jardinier et sa femme, Marguerite, qui s'occupaient de l'entretien de la maison et du jardin de Swedenborg à Stockholm et qui avaient beaucoup de vénération pour lui, furent profondément troublés lorsque des mauvaises langues vinrent leur dire que Swedenborg n'était pas chrétien et qu'ils se devaient par conséquent de démissionner de leur emploi.

Ceux-ci, vêtus de leurs habits du dimanche, vinrent lui annoncer avec grand embarras qu'ils se devaient de quitter son service. Swedenborg, les interrogeant avec bonté, comprit que le crime dont il était accusé, était celui de ne pas être allé à l'église depuis des années !

« Pensez-vous que ce soient la coupole et le clocher qui fassent la maison de Dieu ? leur dit-il. Croyez-vous que ce soient ses murs, sa chaire et ses orgues qui en fassent la sainteté ? Ne pensez-vous pas qu'un temple soit sacré, qu'en vertu de celui qui a Dieu dans son coeur ? N'avez-vous jamais lu que là où deux ou trois sont rassemblés en son Nom, là se trouve son Eglise ? Alors partout où un homme prie et élève une action de grâce vers le Créateur de toute chose, là se trouve l'Eglise véritable. Elle peut donc être ici ou là, dans ce jardin, dans cette maison, ou dans cette chambre même où je vis à l'abri du monde. »

Les deux fidèles employés baissèrent la tête en lui répondant : « Oui, mais ce n'est pas à la manière du monde ». « La manière du monde, répondit-il, je suppose qu'elle est chrétienne, n'est-ce pas ? ». « Oui bien sûr, répondirent-ils ». « Voyez mes amis, ce que ce monde chrétien est au fond. Ces gens invoquent le Seigneur dans leurs jours de détresse, croyant que c'est le vain brouhaha des récitations, des gestes extérieurs, des chants et du son des orgues, qui monte dans les cieux jusqu'à Dieu, alors qu'ils négligent ses enseignements. Au sein de ces assemblées qui se prosternent dans les églises, il n'y a en réalité que la voix d'un très petit nombre qui monte jusqu'à Dieu.

Laissez-moi vous raconter quelque chose : J'ai croisé il y a quelque temps, une petite fille aveugle qui mendiait, assise dans la rue, ses yeux sans regard étaient tournés vers le ciel, vers lequel elle tendait ses deux petites mains. Je m'approchai lui demandant : « Dis-moi, qu'est-ce qui semble te remplir d'un tel bonheur, alors que tu es aveugle et mendiante ? ». Elle me répondit : « Je pense à Dieu qui est notre père et qui bientôt me prendra à lui pour me montrer toute sa gloire ». « En vérité, mes bonnes gens, bien que cette petite fille ait été au carrefour d'une rue fréquentée, je me suis humblement agenouillé devant elle en retirant mon chapeau, car je compris que Dieu était proche et que ce lieu était sacré.

Le christianisme est comme une amande rongée de l'intérieur par un ver et dont il ne reste plus que la coquille extérieure. Où est la véritable compassion en ce monde dominé par l'égoïsme ? Tant que la violence et l'égoïsme prévaudront dans l'humanité, tant que le bonheur terrestre sera le seul but qu'elle s'efforce d'atteindre, alors elle ne sera pas vraiment chrétienne.

Lorsque les hommes reconnaîtront qu'ils sont partout et toujours en présence de Dieu et que toutes leurs actions seront le reflet de son amour éternel, quand les hommes placeront leur but non plus ici-bas dans la matière, mais bien au-dessus des valeurs temporelles, alors seulement on pourra dire qu'ils sont chrétiens ».

    Après avoir explicité dans ses "Arcanes Célestes" le sens interne et spirituel du premier livre de l'Ancien Testament, celui de la Genèse, il s'attaque à présent au dernier livre du Nouveau Testament qui parachève la grande fresque biblique : l'Apocalypse ou le livre de la révélation selon St Jean. Ouvrage en un sens annoncé par la précédente publication de son petit traité sur le symbole du Cheval Blanc dans l'Apocalypse.

   Il achève la rédaction de cette volumineuse étude intitulée :

    « L'Apocalypse expliquée selon le sens spirituel, où sont révélés les arcanes, qui y sont prédits, et qui jusqu'à présent y ont été profondément cachés », 4 volumes, 1757-1759.

    Comme précédemment pour son « Explication de la parole historique de l'Ancien Testament », il ne publiera jamais cet ouvrage. Il en extraira, un peu comme il venait de le faire avec les « Arcanes Célestes », plusieurs petits résumés doctrinaux qui resteront eux aussi dans le tiroir. Il s'agit :

    « Du Symbole d'Athanase » et « Du Seigneur », 1759. Deux petits traités sur la question de la Trinité, de la nature du Christ et de l'Esprit Saint.

    Voulant peut-être démontrer qu'il est possible d'être autant dans le monde des esprits et des anges que dans celui des hommes et de la société civile, et certainement aussi afin de faire taire les rumeurs qui l'accusent d'être un fou ou un illuminé, il prend une part très active à la double Diète (conseil d'Etat) de 1760 et 1761, rédigeant dans ce contexte un grand nombre de mémoires importants :

    « Deux mémoires pour la Diète de Suède en faveur de la restoration d'une monnaie de métal pur » ; « Plusieurs mémoires sur le cours du change et des échanges (commerciaux) » ; « Mémoire adressé au Roi » ; « Mémoire contre l'exportation du cuivre », 1760. « Mémoire pour les Maisons de la Diète, au sujet de la lecture du livre qu'a fait circuler Nordencrantz, conseiller du commerce » ; « Mémoire sur la forme du gouvernement suédois » ; « Modestes idées concernant le maintien et le renforcement de la liberté dans le royaume », 1761.

        Dans ses deux premiers mémoires pour la Diète, il propose tout un ensemble de dispositions économiques très judicieuses, censées aider le pays à sortir d'un endettement et d'une crise catastrophiques. Les trois mémoires suivant traitent de l'importance de préserver l'indépendance de l'état par rapport à la couronne ainsi que de la liberté de pensée et d'expression. Nul doute que Swedenborg soit un fervent démocrate et un libéral progressiste avant la lettre.

 
   
 
Littéralement : "Palais de l'ordre Equestre". "Riddarhuset", "Maison des Nobles" à Stockholm. Gravure 1716.
 
 

    Après une dizaine d'années de retraite et de réserve, ces deux années dédiées à son retour au domaine public, marqueront une transition importante.

   Il s'engage dans une ardente polémique contre le livre pourtant courageux et avant-coureur de Anders Nordencrantz, qui développe une sévère critique de l'appareil d'état suédois, de ses incompétences et de sa corruption et qui plaide pour un certain nombre de libertés alors encore inexistantes en Suède.

    Un de ses plus proches amis, Carl Robsahm, directeur de la banque de Stokholm et membre de l'académie royale, dira que Swedenborg ressortit de ces Diètes finalement dépité et découragé en voyant les haines, les envies et l'égoïsme dominer la Chambre des nobles et l'ordre équestre dont il faisait partie, au point qu'il n'y paraîtra plus que très rarement par la suite. Le paradoxe étant, qu'après avoir défendu et quelque peu encensé les membres du parlement face aux critiques d'Anders Nordencrantz, il en soit rapidement venu à faire le même constat que lui sur la corruption du système et la perversité de ces élites.

    La Diète de janvier 1761 passée, il reprend avec une vigueur décuplée ses travaux de rédaction.

    Il rédige encore un traité, qu'il publiera trois ans plus tard, pour l'académie des sciences :

    « Description de la méthode pour réaliser des incrustations de marbre pour tables et autres ornements », Kongl, 1763.

    C'est à ce moment que survint un nouvel évènement surnaturel. Voici une synthèse de ce qui ressort de l'ensemble des témoignages les mieux avérés :

« Vers la fin du mois d'octobre 1761, Swedenborg reçut une visite du comte Ulric Scheffer qui l'invita à l'accompagner le lendemain à la cour. Quelques jours auparavant la reine Louise Ulrike de Prusse avait reçu une lettre de sa soeur qui mentionnait un article critique, lu dans le journal de Göttingen, au sujet d'un homme à Stockholm qui prétendait communiquer avec les morts, s'inquiétant de savoir la raison pour laquelle la reine ne lui en avait jamais parlé. La reine s'enquit donc aussitôt de savoir s'il était vrai qu'il existât une telle personne et s'il ne s'agissait pas d'un fou. Le comte Scheffer, qui connaissait personnellement Swedenborg, lui répondit que loin d'être fou, il s'agissait au contraire d'un homme très savant et tout à fait raisonnable. Elle le chargea alors aussitôt de transmettre à Swedenborg son souhait de le rencontrer.

Swedenborg se rendit donc quelques jours plus tard à la cour avec le Comte. La reine lui exprimant le plaisir qu'elle avait de le rencontrer, lui demanda tout de suite s'il était vrai qu'il pouvait communiquer avec l'esprit des défunts, ce qu'il lui confirma.

Elle lui demanda ensuite : « Est-ce une faculté qui peut se communiquer à quelqu'un d'autre ? ». « Non, lui répondit-il, c'est un don qui ne peut être accordé que par le Seigneur ! ». « Pouvez-vous parler avec toutes les personnes défuntes ou seulement avec certaines personnes ? ». « Je ne peux pas converser avec toutes, mais seulement avec celles que j'ai connues dans ce monde, ainsi que les personnages royaux ou princiers, les héros illustres et les hommes éminents et savants que j'ai connus personnellement par le récit de leurs actes ou par leurs écrits. Tous ceux, par conséquent, dont je peux me former une idée nette. »

La reine raconta, que peu disposée à croire à de semblables merveilles, elle avait néanmoins voulu mettre à l'épreuve le conseiller des mines Swedenborg, que du reste elle connaissait. Elle le pria par conséquent, de bien vouloir demander à son frère le prince Guillaume de Prusse mort depuis plus de trois ans, ce que celui-ci lui avait confié au moment de leur dernière rencontre, avant qu'elle ne partît à Stockholm pour son mariage avec le futur roi, sachant avec certitude qu'il s'agissait de quelque chose qui ne pouvait être connu de personne. Il lui promit de lui rapporter bientôt une réponse et fut ensuite invité à la table royale où il fut pressé de mille questions auxquelles il répondit dûment.

Swedenborg se représenta une quinzaine de jours plus tard, et après avoir offert quelque-uns de ses ouvrages, il demanda une audience avec la reine. La reine rapporta elle-même, qu'elle était assise, en train de jouer aux cartes, lorsqu'il entra pour lui demander un entretien. Lui répondant qu'il pouvait bien le dire devant tout le monde, il lui assura qu'il ne pouvait dévoiler ce qu'il avait à lui dire devant témoin.

Cette réponse l'ayant contrariée, elle confia ses cartes à l'une de ses dames et demanda au sénateur de Schwerin de les accompagner dans une pièce voisine. Postant M. de Schwerin près de la porte, elle alla avec Swedenborg au fond de la pièce, lequel lui dit :

« Madame, vous avez fait vos adieux à monseigneur le prince à Charlottembourg, tel jour, à telle heure de l'après-midi. Traversant ensuite la longue galerie du château, vous l'avez à nouveau rencontré. Là il vous a pris la main et vous a conduite à telle croisée où personne ne pouvait l'entendre, et vous a dit ces mots : « ... ».

La reine totalement stupéfaite se mit à pâlir, titubant de quelques pas elle faillit défaillir, avant de s'exclamer peu après : « Mais c'est exactement ce que m'a dit mon frère, c'est quelque chose qu'aucun mortel ne pouvait savoir ! ».

Lorsque Swedenborg réalisa l'état de profonde consternation dans laquelle la reine se trouva, et dont tous furent témoins, il exprima ses regrets craignant d'avoir été trop loin.

Tout le monde voulut savoir quelle était la nature du secret de la reine de Suède, révélé par Swedenborg, mais ni lui, ni la reine n'en diront jamais rien ».

 
   

 

 

 

 

Il faut encore ajouter que la reine, tout en confirmant la véracité de son récit, ne parut point croire aux conférences de M. Swedenborg avec les morts.

« Mille évènements nous dit-elle, paraissent surnaturels et inexplicables pour nous qui n'en connaissons que les résultats. Les hommes qui ont de l'esprit et qui aiment le merveilleux, en profitent pour se faire une réputation extraordinaire. M. Swedenborg est un homme très savant et très habile de son état, qui a toujours eu la réputation d'être un brave homme. Je ne puis point comprendre comment il a su ce que personne ne pouvait savoir, mais enfin, je ne peux croire qu'il ait eu un entretien avec mon frère défunt ».

    De son côté le baron de Grimm conclut son rapport ainsi : « Ces faits ont été confirmés par des témoins si respectables qu'il est impossible de les nier ; mais le moyen d'y croire ! »

 
 
Louise Ulrike de Prusse (1720-1782), par Lorens Pasch, 1775.
     
 

    Cet événement aura un retentissement presque aussi important que celui de l'incendie de Stokholm et lui vaudra sur le moment une certaine gloire, si ce n'est une célébrité excessive, qu'en tout état de cause il n'aurait pas souhaitée. Elle lui vaudra certainement aussi une audience, à laquelle la famille royale restera toujours attachée, même au pire de la bataille qui ourdit déjà dans les coulisses.

    A cela s'ajoute la nouvelle, qui se répand dans toute la Suède, qu'il serait l'auteur anonyme des "Arcanes célestes" et du "Ciel et enfer". Ses volumineux "Arcanes célestes" se vendent en effet un peu plus et grâce à la publication de ses derniers traités, plus accessibles, ses ouvrages commencent à circuler en Suède.

    Plusieurs événements extraordinaires, impliquant de nombreux témoins et ayant fait l'objet d'enquêtes et de vérifications, attestent de son étonnant don de clairvoyance et de communication avec les esprits des défunts. Il devient même célèbre pour cela, au risque de voir venir à lui toutes sortes de gens qui lui demanderont d'en faire l'exercice, afin de leur rendre quelque service. Certains chercheront en lui une sorte de gourou, d'autres des preuves de ses dons et de l'existence d'un monde des esprits, d'autres encore réclameront des miracles ou chercheront encore à se moquer de lui. Dans tous ces cas de figure il répondra avec bonté, sagesse et fermeté, n'hésitant pas, lorsque la motivation lui semble sincère, à faire de son mieux pour répondre à leurs demandes.

   Ces faits surprennent beaucoup ses amis et ses relations, suscitant une attitude oscillant entre respect et reconnaissance, doute et ironie. Bien sûr, toute la gamme des réactions possibles à une telle annonce et un tel changement de statut social, ne tardera pas à se décliner. Il se fera de nombreux amis et admirateurs, autant dans le monde savant que politique et clérical où il a de nombreuses relations jusqu'au plus haut niveau. Il se fera aussi sans conteste de nombreux ennemis qui ne supporteront pas qu'il remette tant de dogmes et de croyances en question.

   Au printemps 1763 il repart pour un voyage d'un an et demi, afin de publier, après quatre années d'interruption, pas moins de sept nouveaux ouvrages, cinq petits traités et deux importants volumes.

    Les quatre premiers, ultérieurement rassemblés en un seul volume intitulé « Les Quatre Doctrines », sortent de presse les uns à la suite des autres :

    « Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur le Seigneur » ; « Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur les Ecritures Saintes » ; « Doctrine de vie de la Nouvelle Jérusalem sur les préceptes du Décalogue » ; « Doctrine de la Nouvelle Jérusalem sur la foi », Amsterdam 1763.

    Voici ce qu'il écrit dans sa petite introduction écrite en anglais pour l'occasion :

« Il est dit, "Doctrine de la Nouvelle Jérusalem", dit-il, ce qui signifie Doctrine de la nouvelle Eglise, qui doit à ce jour être établie par le Seigneur. Car l'ancienne Eglise est arrivée à sa fin, ce qui est évident, à partir de ce qui a été dit dans le petit livre sur le Jugement Dernier et aussi dans ce qui sera dit dans les petits traités à venir. Que la nouvelle Eglise, signifiée par la Nouvelle Jérusalem décrite au chapitre XXI du livre de l'Apocalypse, doit venir après le Jugement, sera exposée ci-dessous. »

    Il publie dans la foulée une continuation de son petit ouvrage sur le Jugement dernier, paru il y a cinq ans :

    « Continuation du Jugement Dernier et du monde spirituel », Amsterdam, 1763.

« Qu'un renouvellement de l'Eglise ait récemment eu lieu dans le monde spirituel et qu'un conséquent renouvellement des Eglises dans le monde naturel sera opéré, je l'ai en partie démontré dans le petit livret sur le "Jugement Dernier". Il sera exposé d'une façon plus complète dans cette "Continuation". »

    Il y réaffirme qu'il est le témoin privilégié de ce Jugement et y compare l'état de l'Eglise et du monde avant et après l'évènement. Il n' y décrit plus seulement le jugement des catholiques et des protestants, mais aussi celui des anglais, des hollandais, des musulmans, des africains, des juifs, des quakers et des moraviens. Le moins que l'on puisse dire est que ces nations et leurs églises n'y sont pas ménagées. Non seulement il y démontre l'inanité de nombre de leurs croyances, mais aussi l'ignorance et la perversion de leurs clergés, tenus pour lui responsables devant Dieu de l'obscurcissement des consciences.

   Swedenborg a tendance à avoir la dent dure avec ses ennemis qu'il voue souvent dans ses visions, et sans grande compassion, aux pires enfers. Il semble qu'il ait parfois été rattrapé par l'ombre de son père, par son côté entier et facilement excessif, trait de tempérament que ses proches amis lui pardonneront volontiers, mais que beaucoup d'autres, n'ayant à faire qu'à ses écrits, ne lui pardonneront jamais et qui lui vaudront plus tard de sérieuses déconvenues.

    Ces visions sont peut-être légitimes, il faut les replacer dans le contexte de leur temps. N'ayant pas accès à ce monde des esprits qu'il prétend fréquenter au quotidien, il est difficile d'évaluer le niveau d'authenticité de ses dires, qui semblent dans ce domaine parfois un peu délirants. Heureusement cette impression disparaît dès lors que l'on aborde son oeuvre sous l'angle de sa vision d'ensemble, de sa pensée globale, qui représente une véritable révolution au moins dans trois grands domaines des sciences humaines : la psychologie, la philosophie et la théologie.

   C’est alors qu’il publie une oeuvre en deux volumes qui s'avérera absolument majeure, et dans laquelle il développe pleinement cette sagesse qu'il dit reçevoir du Divin par les anges. Cette publication, comme l’a récemment si bien mis en lumière George Dole, est le signe d’un changement majeur qui s’est opéré au cours de la rédaction de sa précédente « Apocalypse Expliquée » restée inédite. (Voir forum Swedenborg).

    En effet dans « Les Quatre Doctrines » il est clair qu’il s’adresse à un public qui prend la Bible très au sérieux et qui en interprète les textes de façon très littérale. Le contraste est frappant, il ne fera presque plus usage de la Bible dans les oeuvres qui suivent, s’adressant résolument à des esprits plus spéculatifs et philosophiques. Swedenborg est probablement déjà en train de confronter résistances, critiques et attaques de la part de membres de l’Eglise et du clergé, et il réalise qu’il rencontrera certainement plus de succès auprès d’un public de philosophes et "libres penseurs", moins dogmatique et plus ouvert d’esprit.  

    Le premier volume s'intitule :

    « Sagesse angélique sur le Divin Amour et la Divine Sagesse », Amsterdam, 1763.

    Il y traite de l'existence et de la nature du Divin, de la Création et de l'Homme. Le second sort de presse l'année suivante :

    « Sagesse angélique sur la Divine Providence », Amsterdam, 1764.

    Complément de l'ouvrage précédent, il ne traite plus des causes mais des fins de l'univers, non plus de sa création mais de sa conservation et de son destin.

    Après avoir fait imprimer ces livres, il s'embarque pour l'Angleterre, afin d'en distribuer des exemplaires partout où il le peut. Les membres dirigeants du clergé et de la société royale de Londres - auxquels il avait déjà largement distribué son "Ciel et Enfer" et ses autres traités - réagiront soit par une feinte indifférence, soit par un violent rejet de ses thèses. C'est probablement la raison pour laquelle, ajouté au fait que son imprimeur à Londres vient de mourir, il n'y fera plus imprimer aucun de ses livres. Sur son retour, il s'arrête encore à Copenhague afin de remettre une série de ses ouvrages au roi du Danemark et à Drottningholm au couple royal de Suède.

    Il dit que ses livres sont partout bien accueillis, mais dès son retour à la fin de l'été 1764, de nombreuses revues de presse se font l'écho très critique de ses dernières publications. Sa petite "Continuation sur le Jugement Dernier" y fera d'irréversibles dégâts, suscitant surprise interrogative, sarcasme et ironie, mais aussi inimités profondes. Ses ouvrages plus théologiques trouveront dans un premier temps un accueil un peu plus positif en Suède où son identité est à présent bien connue. Malheureusement les comptes rendus que fait Swedenborg dans ses livres, mais aussi dans ses conversations avec les uns et les autres, sur le destin de nombreux défunts connus, de l'antiquité jusqu'à son époque, sont l'occasion de nombreuses plaisanteries et moqueries qui tournent souvent son auteur en ridicule.

    Voici ce qu'écrit un admirateur curieux qui lui rend, dès son retour, une visite imprévue :

« Je le rencontrai dans le jardin adjacent à sa maison où, dans un simple accoutrement, il se trouvait en train de jardiner. La maison dans laquelle il habite est en bois, elle est basse et ressemble à une cabane de jardin, ses fenêtres s'ouvrent d'ailleurs en direction du jardin. Sans me connaître il m'accueillit en souriant me demandant : « Peut-être aimeriez-vous faire une promenade dans mon jardin ? » Je lui répondis que je souhaitais surtout avoir l'honneur de le rencontrer pour lui demander, au nom de la Bibliothèque Royale, ses derniers ouvrages, afin de compléter ceux qu'il avait déjà remis au secrétaire Royal, ceci en vue de pouvoir disposer d'une collection complète de ses oeuvres. « Très volontiers, répondit-il, d'autant que j'avais justement l'intention de les y envoyer. Mon but en les publiant étant de les faire connaître et de les placer entre les mains de gens intelligents.

Malgré le fait que c'était un vieil homme et que ses cheveux gris sortaient de dessous sa perruque dans toutes les directions, il marchait d'un bon pas, aimait discuter et parlait avec grand plaisir (rappelons qu'il avait alors 76 ans). Il était plutôt maigre et fin, très gai et souriant. Il m'expliqua que sa connaissance était fondée sur un pouvoir de vision et d'audition surnaturelles, que cette connaissance et cette révélation sont véritables, car Dieu lui-même s'était révélé à lui en mai 1744, tandis qu'il était à Londres. Que le Divin l'avait, avant cela, préparé pour la réception de cette nouvelle révélation, à travers une connaissance approfondie des sciences et de la théologie. Qu'il est depuis lors sans interruption en communion avec Lui et qu'il est constamment dans sa vision comme un soleil. Qu'il parle avec les anges, les esprits des morts et qu'il connaît tout ce qui se passe dans l'autre monde, aussi bien au Ciel qu'en Enfer, mais que par contre il n'a pas accès à la connaissance du futur. Sa mission consiste à communiquer ces nouvelles lumières au monde, ce qu'il a fait en latin, langue la plus universelle du monde. Que le but de tout cela est l'établissement de la "Nouvelle Jérusalem" parmi les hommes, ce qui signifie une "Nouvelle Eglise", dont la nature et la voie sont décrites dans ses écrits.

Il parla de tout cela avec une parfaite conviction, en insistant avec force sur ces mots : « Tout cela je le vois et le sais sans être l'objet d'aucune hallucination ni d'aucun fanatisme. Lorsque je suis seul, mon âme est comme en dehors de mon corps et dans l'autre monde. Lorsque que je pense à ce que je vais écrire et que je suis en train d'écrire, je jouis d'une parfaite inspiration, comme si elle était mienne, tout en sachant avec certitude qu'il s'agit de la vivante vérité Divine. »

    Ces dix dernières années auront été dédiées, hormis ses voyages, à une austère retraite dans sa paisible demeure d'Hornsgatan où il partageait son temps entre écriture, jardinage et musique. Il possède un petit orgue dans sa maison dont il joue quotidiennement. Les deux années qui suivront, le feront largement connaître du public comme un auteur aux visions et aux idées remarquables, ainsi qu'un homme doté de pouvoirs psychiques exceptionnels. Cet état de grâce sera de courte durée, car l'horizon va bientôt s'assombrir et les dix années qui suivront seront placées sous le signe de la tempête, des attaques et des persécutions.

 



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