5. L'arbre de la science

( 1726 - 1745 / De 38 à 57 ans )

 
   
 

 
   Malgré son métier, il reste entièrement tourné vers la recherche scientifique ainsi qu'en témoignent les nombreux ouvrages qu'il ne cesse de publier au fil des années. Grand théoricien, il reste en même temps constamment tourné vers les applications concrètes de la science.

    Dès le début il se passionne pour les grandes théories qui cherchent à expliquer l'univers, et ses découvertes les plus importantes sont d'audacieuses et géniales vues de l'esprit dont l'exactitude ne sera bien souvent démontrée que par des générations ultérieures de savants. Mais ne nous méprenons pas, la science de Swedenborg se fonde autant sur l'exercice de la raison que sur celui de l'intuition, par ailleurs plébiscitée par Descartes qui en faisait le fondement de la pensée rationnelle. Pour ce qui concerne les grandes hypothèses sur la nature du monde, comme la structure de la matière, du système solaire et de l'univers, elle est en cela plus visionnaire qu'expérimentale. Les outils et les méthodes qui leur sont associés n'existaient pas encore ou n'en étaient qu'à leurs premiers balbutiements. Télescopes géants, satellites et sondes spatiales, microscopes électroniques et accélérateurs de particules atomiques, aux commandes d'équipes de chercheurs internationales, n'existaient tout simplement pas.

    Comment a-t-il fait dans ces conditions pour pressentir à ce point la structure de l'atome, la formation du système solaire, la force électromagnétique, l'existence d'autres galaxies, celle même d'autres terres dans l'univers et jusqu'au fonctionnement du cerveau humain ? Il en a eu l'intuition ! Intuition qu'il s'évertuera, lorsque cela sera possible, de démontrer de façon rationnelle. Par ailleurs, même si Swedenborg est passé du règne de la foi aveugle de son père Jesper à celui de la raison "pure" et de la science de son "père spirituel" Erik Benzelius, il ne perdra jamais la foi en l'existence d'un Créateur et ne dérogera jamais à l'héritage biblique. Au contraire, il tentera constamment, à travers son oeuvre scientifique, de rapprocher et d'unifier ces deux visions, celle de la religion et celle de la science, de plus en plus contradictoires pour la société savante naissante, mais pour lui comme pour beaucoup d'autres aussi, plutôt complémentaires.

    Rappelons à ce propos que la philosophie et la théologie ne faisaient qu'un chez les philosophes grecs, que la science est en grande partie née des milieux théologiques de la Renaissance, et que Benzelius était professeur de théologie. Par ailleurs, beaucoup de grands scientifiques, de la Renaissance jusqu'au siècle dernier, étaient des théologiens ou des ecclésiastiques. Il ne faudra donc pas trop préjuger de la croyance par trop commune que la science est née de sa séparation d'avec la religion et qu'elle est nécessairement synonyme d'athéisme. De ce point de vue, Swedenborg était loin d'être une figure marginale, même s'il aura très tôt à faire avec la nouvelle inquisition des adorateurs de la raison "pure"et de l'athéisme obligé.

    Pendant la première partie de sa vie il s'emploie à recueillir des preuves scientifiques pour répondre à la question de la crédibilité des Ecritures Saintes par des arguments rationnels. Plus tard, lorsque qu'il étudie le sol et les roches de son pays natal, faisant des observations qui anticipent la géologie moderne, c'est afin de prouver l'existence du Déluge. En philosophie, lorsqu'il théorise un univers fondé sur des lois où poids, masses et forces ont leur place, anticipant Lavoisier en physique, Kant et Laplace en cosmologie, c'est pour démontrer l'existence d'un univers également constitué d'un plan spirituel invisible et d'une cause infinie où Dieu serait présent. Lorsqu'il décrit, avant Dalton, quelque chose qui ressemble à la structure atomique de la matière et qu'il définit avant Young et Faraday la nature vibratoire de la lumière et même un équivalent de la radioactivité, c'est encore pour tenter d'expliquer les fondements de l'univers. Lorsqu'il étudie l'anatomie, anticipant sur la recherche moderne en décrivant et en localisant les fonctions cérébrales et en suggérant la fonction des glandes endocrines, c'est pour chercher à identifier le siège de l'âme dans le corps. Sa pensée et sa recherche en tant que scientifique resteront chez lui constamment fidèles à l'héritage de la religion.

     En 1733, au cours d'un de ses voyages, il découvre chez un ami un exemplaire de "Cosmologie" du célèbre philosophe allemand Christian Wolff. Son oeuvre l'impressionne si fortement qu'il rédige deux cahiers de notes et de synthèses sur sa cosmologie et sa psychologie empirique. Il dira avoir alors une vision presque identique à la sienne et admire en lui quelqu'un qui a grandement contribué à l'avancement de la vraie philosophie. Il est certain que la pensée de Wolff a eu une influence sur lui, même s'il finira plus tard par désavouer complètement son naturalisme et son nihilisme. "Il ne croit en aucun autre dieu que celui de la Nature, l'âme n'est pour lui rien d'autre qu'un souffle qui se dissipe avec la mort, et il n'y aura pour lui aucun Jugement ni aucune étoile pour tomber du ciel sur la Terre comme annoncé dans l'Apocalypse", dira-t-il plus tard de lui. Il critiquera aussi ses théories sur les substances simples ou unités élémentaires, spontanément créées à partir de rien.

Christian Wolff  (1679-1754)

Philosophe et mathématicien allemand, fils d'un brasseur, très tôt il se destine à la théologie. Remarqué pour sa précocité, il se consacre avec ardeur à l'étude des sciences. Il fait ses études aux universités d'Iéna et de Leipzig. C'est à Leipzig qu'il rencontre la philosophie de Descartes et qu'il entre en relation avec Leibniz qui lui fait obtenir en 1706 la chaire de mathématiques et de physique de l'université de Halle en Prusse. Il étend bientôt son enseignement à celui de la philosophie et obtient auprès de ses auditeurs un succès grandissant. La raison de ce succès est un rationalisme clair et incisif qui prétend démontrer par déduction jusqu'aux vérités de la foi.

Cette prétention alarmera ses collègues piétistes qui parviendront à le faire bannir par Frédéric-Guillaume en 1723, avec une sentence ordonnant au philosophe de quitter la Prusse dans les 48 h. sous peine du gibet. Wolff trouvera asile auprès du landgrave de Hesse-Cassel, qui le nommera professeur de philosophie à Marburg en Allemagne de l'Est. Le gouvernement prussien regrettant cette condamnation lèvera finalement la sanction, l'autorisant à revenir dans le royaume. Il n'y retournera qu'avec l'avènement de Frédéric II qui lui rendra sa chaire à Halle, autre université célèbre d'Allemagne de l'Est, en 1740, et qui le nommera vice-chancelier de l'université.

Wolff n'aura d'autre but que celui de coordonner toutes les branches de la science en un seul corps de philosophie complet, rédigé en latin en 24 volumes, comprenant : la logique, l'ontologie, la cosmologie générale, la psychologie empirique et rationnelle, la théologie naturelle, la philosophie pratique universelle, le droit naturel, l'éthique, la politique, l'économie, le droit des peuples, les mathématiques et les sciences physiques. Il traitera aussi presque tous ces sujets dans sa langue nationale. Il empruntera ce système philosophique essentiellement à Leibniz dont il vulgarisera la doctrine. Il aura le génie de l'exposer d'une façon claire, simple et cohérente ce qui le rendra très populaire dans les Académies. L'idée qui domine ce système est qu'il est possible de fonder la connaissance sur la pure déduction. Le système de Wolff a surtout une valeur d'enseignement, par ailleurs alourdie par une écriture un peu verbeuse et prétentieuse à juste titre raillée par Voltaire. Notons qu'il sera le professeur de Kant.

 
     
   

 

 


     C'est à l'âge de 46 ans, une dizaine d'années après sa prise de fonction au Bureau des Mines, que Swedenborg publie son premier grand ouvrage scientifique, élaboré de longue date pendant le peu de temps libre que lui laisse son métier :

    « Travaux philosophiques, et sur les minerais », en 3 volumes. On pourrait mieux traduire la deuxième partie du titre par : « ... , sur les minerais et la métallurgie » car à cette époque la "minéralogie" incluait le domaine de la métallurgie.

    Il avait réalisé, cinq ans auparavant, une première ébauche de cet ouvrage, dans un manuscrit de 520 pages intitulé : « Principes du règne naturel, tirés de l'expérience et de la géométrie ». Voir à ce sujet, la liste incroyablement diverse des très nombreux traités posthumes de la première partie de sa période scientifique, de 1715 à 1734 : bibliographie science




 
     
 
Emmanuel Swedenborg, assesseur des mines, frontispice des "Principia". Gravure de J. M. Bernigeroth, d'après un dessin de J. W. Stör, 1734.
 
 


    Premier volume : « Principes premiers du monde naturel, ou nouvelle tentative pour une explication philosophique du monde élémentaire », Dresde et Leipzig, 1734.

    Deuxième volume : « Le monde souterrain ou le minerai de fer ainsi que les méthodes de fonte en usage dans diverses parties d'Europe ; ainsi que des méthodes de transformation du fer brut en acier ; diverses méthodes de préparations chimiques et d'expériences avec le fer et son vitriole, etc. », Dresde et Leipzig, 1734.

    Troisième volume : « Le monde souterrain ou le minerai de cuivre et le bronze, ainsi que les méthodes de fonte en usage dans diverses parties d'Europe ; suivit de sa séparation d'avec l'argent ; de sa transformation en bronze, et métaux de diverses sortes, calamine, zinc et diverses sortes de cuivres ; diverses méthodes de préparations chimiques, et d'expériences avec le cuivre, etc. », Dresde et Leipzig, 1734.

    Le premier volume de sa nouvelle publication traite de la cause et de l'origine de l'univers, le deuxième de l'industrie du fer et de l'acier et le troisième de celle du cuivre et du bronze. Ce premier volume représentera la première grande contribution de Swedenborg à la cosmologie. Il ne s'agit pas tant ici d'un exposé arrêté sur l'origine du monde et des phénomènes naturels, que d'une tentative sérieuse et profonde de définir les méthodes et les objectifs qui permettront d'en comprendre les causes et la nature. « Par philosophie, dit-il, il est entendu ici la connaissance des mécanismes naturels ou de tout ce qui est sujet aux lois de la géométrie (entendue ici au sens de tout ce qui est mesurable et quantifiable). Tout dans la Nature est mouvement, de l'infiniment grand à l'infiniment petit et obéit partout et toujours aux mêmes lois. Les lois de la géométrie sont constantes dans tout l'univers, contrairement aux lois de la mécanique qui doivent opérer diversement dans des systèmes solaires différents, du fait que les mouvements et vibrations vitales s'y propagent différemment en fonction des atmosphères et des champs d'énergie divers qui sont les leurs ». Rappelons que plus d'un siècle plus tard, la découverte en 1899 de la radioactivité par Pierre et Marie Curie démontra que le moindre iota de matière émet un flux continu d'énergie vibratoire, thèse qui paraissait auparavant tout à fait fantaisiste.

 
     
 
Pages de titre du premier volume de ses  "Travaux philosophiques, et sur les minerais."
 
Edition financée par le duc Ludovic Rudolphe
de Brunswick et Luneburg.
 
 

   C'est dans le premier volume de cette oeuvre magistrale qu'il développe la thèse, incroyablement visionnaire, de la formation de notre système solaire. La nébuleuse solaire très dense et en mouvement autour de son axe repousse, par la force centrifuge, la matière nébulaire sur un périmètre de plus en plus large et éloigné jusqu'à former autour du soleil une large ceinture de matière (disque d'accrétion). Celle-ci en se concentrant et en s'effondrant sur elle-même forme des sphères de dimensions diverses (astéroïdes, proto planètes) qui donneront naissance aux différentes planètes de notre système solaire. S'éloignant ensuite du soleil, leurs orbites se stabilisent au point d'équilibre de leur masse à l'intérieur du vaste vortex solaire.




 
 
   
 
Formation du système solaire. Le dessin de Swedenborg montre, fig. 1 : l'enveloppe solaire entourant le soleil avant son effondrement ; fig. 2 : l'effondrement d'une partie de la matière vers l'intérieur et de l'autre vers l'extérieur ; fig. 3 : l'accrétion de la matière en un anneau d'astéroïdes autour du soleil, fig 4 : la formation des planètes à partir de ceux-ci.
 
 


    Notre ciel étoilé, dit-il encore, aussi extraordinaire qu'il soit, ne forme peut-être qu'une seule sphère dont notre système solaire ne constituerait qu'une infime partie, à la mesure de notre univers fini en regard de l'infini. Il pourrait y avoir un nombre infini d'autres systèmes solaires et d'autres planètes, similaires au nôtre, dans une proportion tellement immense que le nôtre pourrait, en comparaison, n'être qu'un point infinitésimal. « En conséquence, dit-il, si notre planète au regard de notre système solaire, notre système solaire au regard de l'univers, et tout l'espace sidéral au regard de l'infini, qui apparaissent tellement immenses à nos yeux, ne sont que des points infinitésimaux, alors vraiment nous devons nous poser la question de savoir ce qu'est l'homme ». Rappelons, afin de mesurer l'ampleur vertigineuse de ces assertions, que la découverte des premières galaxies ne date que du début du siècle dernier (Edwin Hubble, 1924), et la découverte des premières exoplanètes que d'une vingtaine d'années ! (Michel Mayor et Didier Queloz, 1995).

 
   











 

 

 

    Que dire encore de sa théorie sur l'origine "atomique" de la matière visible ? Swedenborg y montre encore comment une particule de matière élémentaire est créée par les rapides mouvements en spirale d'une particule encore plus élémentaire. Cette grande particule sphérique étant la somme de ces mouvements. Comment ne pas penser à la structure des atomes, en partie constituée par leurs champs d'électrons en orbite autour de leur noyau ! (Théorie atomique, John Dalton, 1803, découverte de l'électron, Joseph John Thompson 1898, découverte de son noyau, Ernest Rutherford 1912).

 

 
     
 
Schéma d'une particule élémentaire. Gravure d'Emmanuel Swedenborg, Principia, 1734.

 
 

    Ces onéreuses publications, de grande qualité, fruit de plus de dix années de travail assidu, vont rencontrer un véritable succès. Elles seront hautement et unanimement plébiscitées par la presse savante européenne, tout spécialement ses deux volumes sur la métallurgie qui représentent dans ce domaine une véritable révolution. Cette publication place définitivement Swedenborg au rang des hommes les plus savants et célèbres de son temps.

   C'est à l'occasion de la publication de cet ouvrage qu'il part pour son troisième voyage à travers l'Europe. Comme toujours, avide de tout voir et de tout connaître, il ne cesse de visiter partout absolument tout ce qu'il peut y avoir de remarquable à voir, églises, monuments, bibliothèques, musées et exploitations minières !

    Il lit tous les ouvrages qui traitent de cosmologie, mais aussi d'anatomie, recherchant constamment et en tout lieu la société de toutes les personnalités savantes qu'il peut rencontrer, afin de débattre avec elles de toutes les questions liées à la recherche scientifique. Swedenborg n'aspire plus à rien d'autre que de comprendre et d'expliquer les mystères de l'univers, de son origine à sa fin ultime, en passant par la fusion des métaux. Sa curiosité et sa soif de connaissances sont insatiables, son ambition immense mais cependant empreinte de cette sage humilité dont il ne se départira jamais.

    Suite à quelques critiques et questions dans la presse savante, il publie tout de suite dans la foulée de cet ouvrage magistral un petit complément intitulé : 

   « Préalable à une philosophie raisonnant sur l'infini, la cause finale de la création, et de là sur le fonctionnement de la relation du corps et de l'âme », Dresde et Leipzig, 1734.

    Dans son précédent ouvrage il avait abondamment développé la notion d'infini, identifiée au principe créateur et celle de fini associée à tout ce qui relève de l'espace et du temps, sans avoir clairement explicité le lien entre ces deux dimensions, à savoir la notion d'esprit. La création a donc un but, sa fin ultime est la création d'un homme spirituel doté d'une âme immortelle. Swedenborg réagit autant à la tendance générale du monde savant à se tourner vers l'athéisme qu'à la tendance opposée du mysticisme de son temps à tourner le dos aux sciences. Il affirme l'importance d'une foi en l'existence d'un Dieu infini et en la révélation, qui n'exclut en rien pour lui l'approche rationnelle et scientifique, qui ont bien au contraire la vocation de les expliciter. Les thèses développées dans cet ouvrage préfigurent à bien des égards celles que l'on retrouvera beaucoup plus tard au coeur de son oeuvre théologique.

    De retour en Suède, il milite avec force arguments, réalisme et sagesse contre la volonté d'une partie du gouvernement suédois d'entrer de nouveau en guerre contre la Russie, afin de relever l'affront des défaites et des pertes territoriales précédement infligées à Charles XII. Ses conseils entendus éviteront pour un temps à la Suède de nouveaux déboires, jusqu'à ce que, six ans plus tard, l'orgueil, l'instinct de puissance et le désir de vengeance ne l'emporte finalement, entraînant à nouveau le pays dans une guerre désastreuse avec toutes les malheureuses conséquences alors annoncées, point par point, par Swedenborg.


 
   

 

 

 

    Son père, Jesper, alors évêque à Skara, décède au mois de juillet 1735 à l'âge de 82 ans. Sa forte personnalité à la mesure de son imposante stature, ambitieuse, dogmatique, autoritaire et parfois égoïste, aura fort heureusement été compensée par une foi sincère et entière, doublée d'un indéniable génie littéraire et musical. Si sa capacité à se remettre en question semble avoir été limitée il n'en était pas moins un homme plutôt honnête et sincère qui aura su prodiguer une certaine affection à ses enfants et se montrer attentif à leur éducation et à leur évolution sociale. A en juger par les transformations qui vont s'opérer chez Swedenborg dans les mois et les années qui suivront, on peut supposer que la mort de son père a eu un profond impact sur lui.

 
         
 
Jesper Swedberg (1653-1735), par Johan S. Salmson, 1734, l'année juste avant sa mort.
     
 

    Il s’interroge de plus en plus sur la nature de l'âme et celle de son lien avec le corps physique. C'est alors qu'il tourne sa vaste intelligence et sa formidable puissance de travail vers l'étude du corps humain et de son organe le plus évolué, le cerveau. Il a 48 ans et il part étudier l'anatomie et la physiologie à Paris, Venise, Rome et Amsterdam, convaincu de pouvoir découvrir dans ce temple qu'est le corps humain, le siège de l'âme.

    C'est son quatrième grand voyage à travers l'Europe et le plus long de toute sa période scientifique, puisqu'il durera presque trois ans et demi. Cette fois, après la Hollande et l'Allemagne, il retourne en France et descendra pour la première fois jusqu'en Italie. Il lui tient à coeur de préparer et de publier dans la foulée la suite promise et très attendue de ses deux précédents ouvrages, mais il a aussi le projet d'approfondir ses études d'anatomie et de psychologie de façon à expliciter les relations subtiles et complexes qui unissent l'âme et le corps, et comme de bien entendu, en regard des lois de la mécanique et de la géométrie. Nul doute qu'il se sente déjà investi de la mission de prouver l'existence d'une âme éternelle.

    C'est à Amsterdam, tandis qu'il commence la rédaction de son nouvel ouvrage, qu'il va vivre ses premières expériences spirituelles.

    Etant entré dans un état de profonde méditation, il perd conscience pendant un long moment. Revenant à lui-même il a le sentiment, dit-il, que cette expérience a clarifié son esprit et ordonné ses pensées, lui donnant un plus grand pouvoir de pénétration et de compréhension. Tandis qu'il écrit, sa respiration s'approfondit spontanément, au point de devenir presque imperceptible. Il dit sentir alors son esprit comme inondé d'une exaltante lumière et traversé par des éclairs de joie indicible. Il sent une mystérieuse force rayonner des profondeurs secrètes de son cerveau. L'esprit qui a connu ces ravissements, dit-il, ne considère plus, en comparaison, les plaisirs charnels. Il a la vision d'un feu rayonnant aussi puissant que celui qui émane du coeur d'un brasier et qu'il interprète comme étant le signe d'un divin assentiment. Swedenborg a 48 ans et c'est la première fois qu'il évoque dans ses écrits des expériences de cet ordre. On ne peut s'empêcher de penser ici aux expériences d'ouverture du chakra supérieur ou chakra coronal, celui du "lotus aux mille pétales", correspondant au sommet du crâne, expériences décrites par de nombreux yogis et mystiques hindous comme Ramakrishna et Sri Aurobindo, par exemple.

    Il passe dix-neuf mois en France à étudier l'anatomie et à partir du printemps 1738, dix mois en Italie, atteignant la pointe la plus méridionale de son périple européen à Gênes, pour revenir en France par la côte d'Azur et remonter à Paris via Marseille. Plus que jamais il semble jouir du monde, de la beauté des paysages, de la diversité humaine, de ses cités, monuments, musées et églises les plus prestigieux, sans oublier les arts, la peinture, la musique, le théâtre et la littérature. Il est emporté dans une sorte d'ivresse de vivre et d'extase esthétique.

    Curieusement les pages de son journal ont été arrachées sur cette partie de son périple, probablement par l'un de ses proches descendants. Chacun pourra spéculer sur la raison de cette mystérieuse censure, toujours est-il qu'elle ne survient pas par hasard. Il confiera plus tard à un ami avoir eu dans sa jeunesse une amante en Italie. On sourit à l'expression "jeunesse" lorsque l'on sait qu'il venait d'entrer dans sa cinquantième année. Cette expérience amoureuse aurait consacré ce moment de puissante ivresse "gaïenne" que seuls les parfums et la douceur du Piémont et de la Provence Alpine pouvaient procurer avec tant de force et de grâce. Soulignons que Swedenborg "disparaîtra" seize mois entre Rome et Paris. Revenant de ce voyage que certains biographes surnomment "la parenthèse", il ne tarde pas à être repris par l'objet de sa quête, ainsi que par la rédaction et la publication de son nouveau magistère. Il s'arrête à Amsterdam pour s'y consacrer de façon assidue pendant dix-huit mois.

    Le premier volume sort de presse à la fin du mois de septembre 1740 :

   « Fonctionnement du règne animal. Première partie traitant du sang et des artères, des veines et du coeur, du point de vue anatomique, physique et philosophique, à laquelle est ajoutée une introducion à la psycholo-gie rationnelle », Londres et Amsterdam, 1740.

    "Œconomia regni animalis", "économie ou fonctionnement du règne animal", par "règne animal" il entend ici le règne ou le domaine du corps "animal" ou humain. On pourrait donc tout simplement traduire : "Fonctionnement du corps humain".  

    « Fonctionnement du règne animal. Deuxième partie traitant de la motricité et du cortex, ainsi que de l'âme humaine, du point de vue anatomique, physique et philosophique », Amsterdam, 1741.

    Publiés anonymement, le premier volume traite du sang, du système sanguin et du coeur, le second du cerveau, de la fonction motrice et de l'âme. Dès le début il annonce qu'il est en quête de l'âme, qu'il définit comme étant la vie la plus intime du sang, et comme ayant son siège dans le cerveau au niveau de la glande pinéale. Evidemment on peut aujourd'hui trouver naïf d'imaginer que l'âme puisse avoir un siège quelconque dans le corps physique, toujours est-il que l'intuition est géniale, lorsque l'on considère que la science a récemment démontré à quel point le sang est une signature de l'individu et comme son intrication avec le cerveau est vitale. Notons que la glande pinéale abreuve constamment le sang et à travers lui tout notre organisme en hormones, en dopamine et endorphines, au gré de nos humeurs les plus intimes. Swedenborg ne disposait alors ni de microscope digne de ce nom aujourd'hui, ni de laboratoire d'analyses biologiques et chimiques sophistiquées. Pourtant par son seul pouvoir d'observation et de déduction doublé d'une formidable intuition, il parvient, à chaque étape de ses recherches, à faire des découvertes fondamentales qui attendront souvent cent ou deux cent ans avant d'être prouvées.

    « Le sang, dit-il, est comme le complexe de tout ce qui existe dans le monde et l'entrepôt de tout ce qui existe dans le corps. De plus, il s'imbibe des trésors que l'atmosphère charie en son sein en s'exposant à travers les poumons à l'air ». En voici un bon exemple, lorsqu'on mesure qu'il écrit cela cinquante ans avant la découverte de l'oxygène.

    Il est encore le premier à localiser le siège de l'activité psychique dans le cerveau. Cela paraît pour nous aujourd'hui d'une évidence absolue, mais cela ne l'était pas du tout à cette époque où l'on se demandait encore s'il ne se trouvait pas dans la moelle épinière ou dans le foie. Plus encore, il associe un grand nombre de fonctions psychiques avec leurs différentes aires cérébrales.

    Comme pour ses deux précédents ouvrages, il est impossible de résumer ici l'ensemble des thèmes développés tant ils sont nombreux, complexes et profonds, mais dans tous les sujets abordés il suit une méthode bien définie. Dans un premier temps il fait la synthèse des connaissances acquises par les meilleurs spécialistes. Dans un second temps il livre le résultat de ses propres observations sur le sujet étudié, et confirme en dernier lieu ses conclusions en les fondant autant que possible sur l'expérience des faits.

    La publication de ces deux volumes aura immédiatement un grand succès, au point qu'elle connaîtra trois rééditions successives. Elle est accueillie par le monde savant avec enthousiasme et reconnaissance et le système philosophique de Swedenborg commence à trouver de plus en plus d'auditeurs.

   De retour en Suède au mois de novembre 1740, il reprend activement son poste au Bureau des Mines. Nommé membre officiel de la nouvelle Académie des sciences de Stockholm, il se liera d'une profonde amitié avec deux personnalités notoires et influentes de ce cercle. Il est de nouveau entièrement accaparé par son travail au Bureau des Mines et par son active participation aux affaires de l'Etat.

   Notons qu'en 1741 et 1742, juste avant les prémices de sa crise spirituelle, Swedenborg s'intéresse aux expériences de transes rituelles des chamans lapons, transes au cours desquelles leur esprit sort de leur corps physique pour voyager librement dans ce monde et dans l'au-delà.

    C'est l'année suivante que meurt son "deuxième père", son père spirituel, tant aimé, et auquel il doit tant : son affection chaleureuse et attentive, ses études et son orientation scientifique, son introduction auprès de nombreux savants et académies étrangères, son soutien moral et sa constante intercession auprès de son père, son admission en tant qu'assistant de Polhem, sa rencontre avec Charles XII, sa nomination au Bureau des Mines, ainsi qu'un nombre incalculable de courriers et de précieux conseils.

    Qui aurait été Swedenborg et quel aurait été son destin sans Erik Benzelius ? Swedenborg a-t-il réalisé tout ce qu'il devait à ce véritable père ? Je pense qu'il en était très conscient. Lui a-t-il donné toute la reconnaissance qu'il méritait ? Benzelius déplorera de ne pas le voir aussi souvent qu'il aimerait et lorsqu'il lui rend visite c'est toujours en passant, sans trop s'attarder. Mais n'est-ce point là une réalité humaine qui fait que lorsque l'on a pris tout ce dont on avait besoin, on continue son chemin sans trop se retourner. Il faut certainement aussi ajouter à la liste de sa paternité scientifique son cousin et premier précepteur Johan Moraeus, ainsi que son vieux professeur de mathématique et d'astronomie, Pehr Elfvius, proche collègue de Benzelius à Uppsala, et évidemment son héros et mentor de jeunesse, Christopher Polhem.

 
 

 




 

 

 

 


    En mars 1743, il acquiert une petite maison et un jardin sur les collines au sud de Stockholm. Cette maison deviendra son lieu de résidence principal et surtout son lieu de retraite et d’étude privilégié, mais il n'y fera réaliser des travaux pour s'y installer que trois ans plus tard. Une bien humble demeure pour un homme de son rang et de sa fortune !

   
         
     
En haut à gauche : la maison de Swedenborg à Hornsgatan, artiste inconnu, 18ème siècle.
En bas : photo de la maison juste avant la destruction du site, 1880.
 
 

 

    Il publie l'année suivante trois nouveaux volumes cette fois intitulés : "Regum animale ...", au lieu du : "Œconomia regni animalis" de ces deux précédent volumes d'anatomie.

     « Le règne animal du point de vue anatomique, physique et philosophique. Première partie : des organes abdominaux ou des organes des régions inférieures », La Haye, 1744.

    « Le règne animal du point de vue anatomique, physique et philosophique. Deuxième partie : des organes thoraciques ou des organes des régions supérieures », La Haye, 1744.

     « Le règne animal du point de vue anatomique, physique et philosophique. Troisième partie : de la peau, des sens du toucher et du goût, et de la forme des organes en général », Londres, 1745.

 
 

 

 

     Swedenborg sera un véritable pionnier dans les domaines de l’anatomie, de la physiologie et de la neurologie. Dans la suite logique de son précédent traité sur le sang, il commence son nouveau travail par une étude du système digestif qui alimente le sang en éléments nutritifs. Il pressent la fonction essentielle du foie et du pancréas au-delà de leurs simples sécrétions digestives, ainsi que la fonction immunitaire de la rate à travers le sang. Il identifie le premier la fonction régulatrice des glandes endocrines que l'on pensait alors inutiles. Il localise correctement les centres sensoriels et moteurs du cerveau ainsi que le siège des différentes fonctions cérébrales. Il s’avère encore précurseur de la bilatéralité des fonctions hémisphériques du cerveau et du synchronisme entre la fonction cérébrale et la respiration pulmonaire. Chose incroyable, il est le premier à découvrir la respiration encéphalo-rachidienne, fonction neuro-physiologique sur laquelle est aujourd'hui fondée toute l'ostéopathie. Par ailleurs il définit une nouvelle loi qui veut que tout dans le corps humain doit être abordé sous l'angle de la fonction ou de l'usage et que chaque ensemble d'organes représente un cercle de fonctions qui déterminent la structure de chaque partie.

   
         
     
Planche anatomique de son oeuvre posthume : "le Cerveau", 3 vol. , 1743-1744.
 
 


    Il ne s'agit pas de prétendre que toutes ses observations et ses conclusions sont absolument correctes du point de vue des connaissances scientifiques actuelles. Le grand neurologue moderne Konrad Akert dira avec admiration : « Ce sont avant tout ses anticipations étonnantes d’idées innombrables qui stupéfient le lecteur d’aujourd’hui. » Ce que le physicien H. Schminke reprend et développe en disant : « Il est presque inimaginable, dans la perspective actuelle, qu’un homme comme Swedenborg ait été capable, sans expérimentations ni moyens appropriés, de telles découvertes ». Le Pr. Max Neuburger dira encore : « Les lacunes, les erreurs et les preuves incomplètes sont les défauts de son époque, mais ses idées sont de prophétiques anticipations. »

    Toujours est-il que le véritable but de tout son travail anatomique est ailleurs, voici ce qu'il en dit lui-même dans l'introduction de son précédent ouvrage :

    « J'ai publié il n'y a pas très longtemps « Economie du règne animal », un travail qui traitait uniquement du sang, des vaisseaux et du coeur ainsi que du cerveau et où j'ai développé un rapide passage sur l'âme humaine. Tandis que je considère ce sujet plus profondément, je trouve que j'ai été trop succinct. De là je suis déterminé à ne me laisser aucun répit avant d'avoir pu couvrir tout le sujet jusqu'à sa fin ultime, avant de pouvoir embrasser l'universel domaine de l'âme. De cette façon j'espère, en incurvant continuellement ma course vers l'intérieur, ouvrir les portes qui conduisent à elle et enfin contempler l'âme elle-même par divine permission.

    Ces pages sont dédiées à ceux qui ne peuvent croire que ce qu'ils peuvent comprendre. Mon désir le plus ardent est celui de disperser les nuages qui obscurcissent le temple de l'esprit et d'ouvrir la voie à la foi. Car rien n'est plus désirable que la lumière de la vérité et c'est cette fin qui me presse et m'anime tout entier. L'étude se base sur les faits, elle collecte les matériaux, les dispose en ordre et de là édifie un palais ou une pyramide sur un terrain solide. C'est de cette façon que j'ai l'intention d'étudier toute l'anatomie du corps, tous les organes abdominaux et thoraciques, les organes génitaux des deux sexes, les cinq sens et le cerveau. Ensuite au moyen de nouvelles doctrines, je donnerai une introduction à une psychologie rationnelle et je traiterai en dernier lieu de l'âme et de son état après la mort.

    Pour accomplir cette grande mission, j'entrerai dans l'arène avec l'intention de considérer et d'examiner attentivement tout le monde ou microcosme que l'âme habite, car je pense qu'il serait vain de la chercher n'importe où ailleurs qu'en son royaume. En effet, où pourrait-elle être trouvée sinon que dans ce système auquel elle est conjointe et où elle s'offre à notre contemplation. Le corps est son image, sa ressemblance et son type, elle est le modèle, l'idée, le principe, c'est-à-dire l'âme du corps. De là elle est représentée par le corps comme dans un miroir. C'est pourquoi je suis résolu à examiner attentivement toute l'anatomie du corps, de la tête aux pieds et dans toutes ses parties, et pour une approche encore plus approfondie d'examiner son propre cerveau, où l'âme a disposé ses premiers organes.

   Comme il est impossible de passer du règne organique, physique et matériel du corps directement à celui de l'âme à laquelle aucun objet matériel ne saurait être identifié, il était nécessaire d'ouvrir de nouvelles voies. En d'autres termes il fallait découvrir, dégager et produire, par la plus intense étude et application, certaines doctrines nouvelles que sont la doctrine des Formes, des Ordres et des Degrés, des Séries et Sociétés, de la Communication et de l'Influx, des Correspondances et des Représentations ainsi que des Transformations. Cela, j'ai l'intention de le présenter dans un volume unique intitulé : "Introduction à une psychologie rationnelle". »

    Nous retrouverons plus tard ces nouvelles doctrines, des formes, des degrés, des séries, de l'influx et des correspondances, au coeur de toute sa théologie. Cette nouvelle publication recevra, sans surprise, de la part de la presse scientifique, un accueil mitigé et controversé. Son concept trop "spirituel" de l'âme suscite le scepticisme, la richesse et la profondeur de son oeuvre déroutent, la difficulté ou l'impossibilité de prouver nombre de ses thèses suscite critique, doute et ironie. Il est évident qu'un certain décalage s'opère entre le monde savant de son temps et sa pensée qui, au goût de beaucoup, va trop loin. Ce décrochage empêchera la presse savante de reconnaître à leur juste valeur les découvertes et les avancées considérables que ce travail représentera.

    Ce clivage débouchera sur un irrémédiable divorce, dès lors que Swedenborg s'engagera plus avant dans le domaine de la psychologie et de la théologie. Ce sera d'ailleurs sa dernière oeuvre à proprement parler scientifique. Swedenborg est en quête de l’âme et après plus d'une dizaine d’années de recherches intensives, il comprend que celle-ci relève d’un domaine inaccessible par la seule voie des sciences naturelles. Son existence relève d'un autre ordre, ce qui l'oblige à franchir la frontière entre deux domaines en apparence irréconciliables, celui de l'expérience des sens, de la raison et des sciences empiriques d'un côté, celui de l'intuition, des facultés supra-sensorielles, et d'une connaissance mystique de l'autre. Cette impasse théorique va le plonger dans une crise profonde au cours de laquelle vont se produire en lui de grandes transformations.

     « Je me suis consacré à l'anatomie, dit-il, avec l'unique intention d'étudier l'âme, ce serait une satisfaction pour moi de voir mes travaux rendre quelque service à l'anatomie et à la médecine, une satisfaction plus grande encore si je pouvais jeter quelques lumières dans celui de l'étude de l'âme humaine. »

    Ce souhait s'avérera on ne peut plus prophétique lorsqu'on le considère à la lueur de son oeuvre ultérieure. Il est sur le point de publier son ultime volume cette fois entièrement dédié à la question de l'âme humaine :

    « Le règne animal, du point de vue anatomique, physique et philosophique. Septième partie, de la vie de l'âme », titré par lui-même ailleurs : « Psychologie rationnelle ».

    Cet ouvage, commencé en 1742 et achevé dès 1744, est l'aboutissement annoncé de plus de dix années d'études et de publications dans ce domaine. Etonnamment, alors qu'il est sur le point de le faire imprimer, une injonction intérieure l'incite à renoncer à cette ultime publication qui devait pourtant couronner son grand oeuvre anatomique !

   Il comprend que la méthode analytique, qui l'avait engagé si loin dans ses recherches anatomiques, jusqu'à atteindre les parties les plus intimes de ce sanctuaire vivant, était impuissante à en révéler son principe animateur, l'âme elle-même. Il comprend que cette connaissance n'est pas atteignable par la seule voie scientifique et que le monde savant ne le suivrait pas, rejetant au contraire avec férocité le meilleur de ce qu'il avait à dire. Pour répondre à la question de la nature de l'âme, il va résolument devoir se tourner vers le royaume intérieur. De là sa volonté de se retirer progressivement de ses activités professionnelles et mondaines et de revendre aussi toutes les mines qu'il posséde, de façon à pouvoir se consacrer entièrement à cette quête d’une connaissance d'un ordre tout différent.

 
 

 

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